Quel est ton univers chorégraphique ?
Je suis venue à la danse parceque c’était le domaine du silence, on pouvait dire beaucoup plus que le langage avec le mouvement alors ça m’a attiré dès le plus jeune âge. Comme chorégraphe c’est souvent l’en deça du langage que je continue de chercher, entre inconscient du corps, et discours silencieux qui echappent au rationnel. J’aime les prises d’espace: le travail de l’espace est un vrai langage et raconte le voyage, le déséquilibre, le jeu avec la gravité. J’aime aussi les tout petits mouvements, ceux qui demandent qu’on regarde et qu’on écoute pour voir et entendre, qui demandent une attention fine. J’ai été influencée par des chorégraphes que l’on catégorise dans la danse théâtre (Ambra Senatore, Pina bausch…), et par des danseurs venus de traditions où danse musique et théâtre sont comme une seule chose comme dans la danse indienne par exemple (Vidhya Subramanian…). Je cherche souvent ces endroits où la danse est à la lisière de plusieurs arts, et où elle se fait récit. Le rapport à la musique s’impose depuis ma dernière création « Ta’am » comme un vrai chantier de création que j’espère poursuivre avec le Tailleur.
Peux-tu nous dire quelques mots sur ta création / projet en cours ?
Le Tailleur, pièce pour un quintet de danseurs et musiciens, s’interesse au geste et à sa transmission.
Je vais tirer plusieurs fils imbriqués:
Le fil de la grande histoire en marche à travers les pas d’un homme qui traverse l’Europe entre 39 et 45 sac au dos.
Le fil de la petite histoire à travers les gestes universels de prise de mesure&découpe et les sinuosités des chemins d’aiguilles.
Laissant la danse se napper d’etoffes asymétriques et s’engager dans un travail d’orfèvre, passant et repassant.
C’est dans l’entrecroisement entre scène de marches allantes&tourbillonantes, et scènes de mouvements du tailleur – vu tantôt comme une mécanique et tantôt comme du poétique -, que l’armure de la pièce va peu à peu révéler un tissu: souvenirs, rires, beauté du geste de l’artisan et joie de la danse en seront les ingrédients, célébrant la joie de fabriquer et de faire apparaitre.
Quels ateliers as-tu prévu avec les danseurs de Danse en Seine ?
Je suis au tout début de la création.
Les mouvements de groupe m’interessent pour visualiser ce bal et ces ensembles que j’imagine pour cette pièce, qui sera comme une fête: fêter la vie, la danse, la création à travers l’image du tailleur.
Je vais alterner entre:
D’un côté mouvements « choral », pour lesquels j’imagine des sortes de parcours et canons dansés: entre motifs chorégraphiques, marches, virages et tours, évoquant le voyage, les départs et les arrivées.
De l’autre côté un travail par petits groupes sur la manipulation en s’inspirant du duo couturier/modèle, et en oscillant entre mécanique et poésie du geste; entre distance et prise d’appuis des corps les uns sur les autres, évoquant lien filial et solidarité.
PS: Les participants peuvent venir avec un grand châle pour explorer l’enveloppement et la mise en relation inattendue entre différentes partie du corps.
Pourquoi avoir rejoint l’incubateur de chorégraphie ?
J’ai rejoint l’incubateur à la deuxième édition en 2017, parceque j’avais besoin d’outils pour structurer ma compagnie, et l’équipe de l’incubateur est juste géniale, brillante et passionnée; je suis heureuse d’avoir goûté à son énergie à un moment charnière de ma compagnie.