La lourde machine de l’Opéra de Paris s’emballe et nomme à deux semaines d’intervalle une deuxième étoile dans cette même production de la Bayadère: après Josua Hoffalt, c’est en effet au tour de Ludmila Pagliero d’accéder au rang suprême.
La blogosphère (A petits Pas, Le petit rat parisien, Danses avec la plume, etc.) a déjà tout dit, mais Danse en Seine ne pouvait pas rester les bras croisés devant cette nomination pas comme les autres, et ce, à plus d’un titre!
Contrairement au 8 mars dernier (nomination de Josua Hoffalt), ce soir-là les balletomanes n’avaient pas intrigué outre mesure pour dégoter les dernières places, au lever de rideau final personne n’avait le pouce prêt à twitter, bref: une vraie surprise. On avait pourtant évoqué cette éventualité lorsque Ludmila Pagliero dansait Naila dans La Source, mais depuis la rumeur s’était éteinte.
Pas comme les autres aussi parce que cette consécration clôturait un enchaînement de rebondissements des plus rocambolesques. Quatre danseuses devaient danser Gamzatti sur cette production de six semaines, mais pour reprendre les mots de Brigitte Lefèvre: « paf paf paf paf » (!), les unes après les autres ont déclaré forfait pour cause de blessure.
C’est à Ludmila Pagliero de relever le défi: certes, elle a dansé la Bayadère deux ans auparavant, mais elle n’a jamais eu Josua Hoffalt comme partenaire, elle n’aura aucune répétition sur scène, et surtout deux ans c’est loin! bref c’est ce qu’on appelle une prise de rôle au pied levé!
Pour corser le tout, cette représentation était retransmise dans plus de 100 salles en France et en Europe… Vous avez dit pression?
Photo: Sébastien MathéEnfin, et c’est peut-être aussi pour ça que cette nomination a une saveur particulière, Ludmila Pagliero n’est pas un pur produit sorti de l’École de Danse (le corps de ballet en est issu à 90%), elle n’est d’ailleurs pas française, une vraie outsider!
Dans une interview d’Arianne Dolfus (Danser #294 – Janvier 2010), elle raconte:
« Je suis Argentine. J’ai étudié à l’École du Teatro Colon de Buenos Aires et, en 2000, j’ai été engagée au Ballet de Santiago du Chili. Soliste deux ans plus tard, j’ai eu envie de voir du pays et d’aller là où l’on rencontre des chorégraphes. En remportant le Concours de danse de New York, j’ai été engagée à l’American Ballet Theatre. Comme je rêvais d’Europe, j’ai passé au même moment le concours externe du corps de Ballet de l’Opéra de Paris. Il y avait deux places et j’étais cinquième. Je suis repartie assez dépitée à Buenos-Aires et sur le chemin de l’ambassade américaine pour mon visa de travail pour l’ABT, l’Opéra m’appelle pour me proposer un contrat de trois mois. Je n’ai pas hésité une seconde, j’ai laissé tomber une embauche à l’ABT pour trois mois de CDD à Paris. À la suite de quoi j’ai dû repasser à nouveau le concours d’entrée pour être titulaire… Et j’ai intégré la compagnie en 2003. »
En 2010, elle est promue Première Danseuse…
Au fait, s’insère-t-on facilement dans le corps de Ballet de l’Opéra lorsqu’on vient de l’étranger ?
« Je suis arrivée en parlant très peu le français, et cela m’a paradoxalement beaucoup aidée. J’ai pris le temps de regarder, de comprendre, d’assimiler un état d’esprit et surtout un style de danse française. Au Chili, j’étais soliste. Ici, je redevenais “Corps de Ballet”. La pression était bien moindre. J’ai eu le temps d’apprendre. »
Du temps, Ludmila Pagliero en a: à 28 ans, elle vient d’être nommée étoile et ce n’est sans doute pas son dernier mot.
>> Site officiel de Ludmila Pagliero: http://ludmilapagliero.com/