Grand ballet classique crée en 1877 par le célèbre marseillais Marius Petitpa à Saint-Pétersbourg, La Bayadère rencontre un succès immédiat, précurseur des suivants (La Belle au bois dormant en 1890 et le Lac des cygnes en 1895). Sans originalité, le ballet raconte les amours contrariées de Solor et de Nikiya en quatre actes et sept tableaux. Mais, le ballet réveille l’imaginaire des spectateurs : l’action se déroule dans l’Inde du XIXème siècle, royaume des fakirs, des ascètes, des mahârâjahs ou des tigres, le pays des palais et des « pagodes », mais surtout patrie des bayadères, danseuses servantes des divinités… Ce n’est qu’en 1961 lors de la tournée du Kirov en Europe de l’Ouest que le public parisien découvre l’acte III, Le Royaume des Ombres, dansé par un jeune inconnu de 23 ans, un certain Rudolf Noureev.
L’extrait fait sensation et est donné à plusieurs reprises en Occident les années qui suivront. Mais Noureev nourrit l’ambition de remonter le chef d’oeuvre de Petipa dans son intégralité. Son rêve devient réalité en 1992, quelques mois avant sa mort. Alors qu’il se bat contre la maladie, il chorégraphie son ultime ballet pour l’Opéra de Paris : Isabelle Guérin, Elizabeth Platel, Laurent Hilaire sont choisis pour la première. Mais les notes de Petipa sur le quatrième acte ont disparu : la version de Noureev n’en comportera que trois et se terminera sur l’acte du Royaume des Ombres, joyau de la version d’origine. Ainsi, en plus d’être un ballet grandiose, La Bayadère serait peut être le plus important de la carrière du mythe tatare : le ballet qui l’a fait connaître, et le ballet sur lequel il s’est éteint.
La Bayadère, c’est donc LE ballet classique de la saison 2011-2012 de l’Opéra de Paris. Peut-être y aura-t-il nomination d’étoile, à l’instar de 2006 (Hervé Moreau) ou de 2010 (Stpéhane Bullion)? Et quand bien même aucun danseur ne se verrait récompenser du titre sacré d’étoile, les décors somptueux, la virtuosité des variations et l’acte blanc séduisent toujours autant : salle comble depuis déjà plusieurs semaines.
La particularité de ce ballet de Noureev est bien évidemment son exotisme : « rutilant d’un Orient fantasmé, il fait défiler le sultan sur son palaquin,
l’idole dorée comme un mirage,
croise les danseuses sacrées ventre à l’air avec les esclaves à grands couteaux. » (Rosita Boisseau)
Pour Aurélie Dupont, danseuse étoile ayant interprété à la fois le rôle de Nikiya (ci-dessus, la « gentille ») et de Gamzatti (ci-dessous, la voleuse d’homme), le ballet donne l’occasion d’explorer une gestuelle moins académique : « Je m’autorise une cambrure qui me semble juste pour ce personnage très sexy, au ventre souvent dénudé ».
Isabelle Guérin, mort de Nikiya Acte II
L’étoile apprécie également la simplicité de l’intrigue de ce ballet : pas d’interprétation freudienne, des personnages moins complexes qui permettent finalement aux interprètes de danser uniquement pour le plaisir…
Et puis surtout, le succès de la Bayadère repose sur l’excellence du corps de Ballet, sollicité tout au long de l’Acte III. Impressionnant, ces passages dansés particulièrement difficiles sont littéralement transportant.
A voir, bande-annonce du ballet
La Bayadère, à l’Opéra Bastille du 7 mars au 15 avril Complet mais tentez votre chance par téléphone au 08 92 89 90 90 (du lundi au vendredi de 9h à 18h et le samedi jusqu’à 13h) ou aux guichets (du lundi au samedi de 14h30 à 18h30).