©Laurent Philippe
Montalvo – Hervieu, couple mythique de la danse contemporaine formé dans les années 80 qui inventa un style chorégraphique éclectique faisant appel à toutes sortes de danses et à l’audiovisuel. Pendant plusieurs années, ils ont également partagé la direction du Théâtre de Chaillot… Mais c’est désormais en solo qu’ils continuent leur chemin : le 1er janvier dernier, Dominique Hervieu rejoint la maison de la danse et la Biennale de Lyon tandis que José Montalvo reste à la tête de leur compagnie. Avant de se séparer, le célèbre duo a monté une ultime pièce, Orphée…
Tout commence en septembre 2009 par une impressionnante audition réunissant plus de 700 danseurs sur la scène de Chaillot… Les candidats sont séparés en 7 disciplines : jazz, classique, contemporain, hip hop, danse africaine, chant et autres horizons (principalement des circassiens).
L’importance : se faire plaisir et se montrer tel qu’on est en quelques minutes… Sur des enchaînements déjà écrits pour les candidats en danse classique, jazz, africaine, et en chant ; durant de courtes improvisations pour les autres… Comme l’explique alors Dominique Hervieu, ils cherchent leurs interprètes dans toutes les pratiques de la danse. C’est la personnalité artistique et le langage corporel propre qui prime sur la technique, quelle qu’elle soit. Ils s’amuseront ensuite à opposer les imaginaires de chaque interprète, créant ainsi des liens inattendus entre ces types d’expression artistiques particulièrement contrastés. Le mot d’ordre : être soi-même, dans son univers, dans sa folie, dans son art.
700 candidats, pour 16 élus…
En tant que fidèles lecteurs de ce blog, vous êtes désormais familiers du mythe d’Orphée… Mais le héros imaginé par le célèbre tandem n’a presque plus rien à voir avec celui de l’opéra dansé signé Bausch & Gluck, qui met en scène un Orphée au paroxysme de la souffrance amoureuse. Puissance de l’art et de l’amour, enchantement, perte, mortalité, enfer seront les thèmes d’improvisation et de composition proposés aux danseurs. Finalement cette relecture philosophique place la condition humaine au centre du débat ; c’est la fragilité de l’homme qui lui donne le courage se dépasser lui-même : « fragilité de la puissance et puissance de la fragilité », commente Dominique Hervieu.
Très vite on comprend que cette ambivalence est le fil rouge de la pièce. Comme évoqué ci-dessus, Orphée a deux facettes : simple être mortel et amoureux, sa fragilité apparente est évoquée par le danseur unijambiste… Mais les limites sont repoussées et l’artiste inspire tout sauf de la compassion : son agilité est impressionnante et répond à la puissance des sauts de l’échassier… C’est ainsi qu’Orphée rivalise avec les Dieux et défie les lois de la nature (pénétrer aux enfers dans le mythe, voler dans la pièce).
Dans la lignée des ballets chorégraphiés par le duo Montalvo-Hervieu, Orphée illustre la rencontre féconde de personnalités artistiques et de genres radicalement différents. Chacun des seize visages d’Orphée écrit par Catherine Kinzler pour les seize artistes présents sur le plateau contribue à l’humanité de cet Orphée métissé.
Autre particularité de la pièce : ce voyage musical au travers des différents Orphées que l’Histoire a connus… Le spectateur retrouvera entre autres Monteverdi, Gluck et Philip Glass…
Orphée, Montalvo-Hervieu, du 6 au 10 mars à Chaillot, Réservations